Tout le charme des livres d'échecs anciens...
...dans l'édition 1962 des "Prix de beauté aux échecs" que m'a prêtée Jean-Pierre.
C'est un classique de la littérature échiquéenne (dû à la plume de François Le Lionnais),
mais je dois dire que, jusqu'à présent, je n'avais jamais eu la curiosité de me le procurer.
Je me permettrais de citer un extrait de la préface (au style délicieusement suranné),
qui me paraît constituer une parfaite présentation de cet ouvrage :
"C'est un bien curieux divertissement que notre jeu d'échecs! Au lieu de lutter
eux-mêmes, bien des joueurs éprouvent un plaisir aussi vif à rejouer des parties
de maîtres. Cette prédilection n'est-elle pas la preuve qu'il y a beaucoup d'amateurs
pour lesquels le jeu d'échecs apparaît plutôt comme un spectacle délectable que
comme une épreuve de force? Et voilà posée la question de la beauté aux échecs.
Il y a en effet une beauté échiquéenne comme il y a une beauté féminine, une beauté
florale, une beauté musicale, une beauté géométrique. On éprouve une émotion
esthétique souvent profonde en communiant avec cette beauté et cela n'a rien à voir
avec le sentiment - si agréable pour quelques-uns - de se savoir plus fort que d'autres
joueurs.
Ce culte de la beauté échiquéenne est d'autant plus facile à exercer qu'il n'est pas
nécessaire pour admirer les prouesses des grands joueurs d'être aussi fort qu'eux.
............
Une pareille mésaventure (commettre des erreurs grossières dans une partie) nous
est épargnée quand nous rejouons avec attention une partie de maître suffisamment
bien commentée. Il ne s'agit pas de savoir si l'on aurait joué tous les mêmes coups que
ceux qu'ils ont joués mais simplement de comprendre et d'apprécier ces coups et les
motifs qui ont entouré leur création."
L'auteur n'a inclus dans son recueil que des parties ayant réellement reçu des prix
de beauté dans des tournois (coutume qui remonte au tournoi de New-York
de 1876).
Il a fait cependant deux exceptions pour des parties très célèbres disputées
antérieurement : l'"Immortelle" qui vit la victoire d'Anderssen sur Kieseritzky en
1851 et la "Toujours Jeune" qui vit le même Anderssen l'emporter sur Dufresne
l'année suivante.
C'est cette seconde partie que j'ai choisi de présenter, en reprenant les commentaires
du livre de François le Lionnais et la notation de l'époque - assez éloignée de la notation
algébrique simplifiée, en usage à l'heure actuelle.
Berlin, 1852
Gambit Evans accepté
Blancs : Anderssen
Noirs : Dufresne
1.é4 é5 2.Cf3 Cc6 3.Fc4 Fc5 4.b4 Fxb4 5.c3 Fa5 6.d4 é5xd4 7.0-0 d3
Moins régulier que 7-d6; 8.c3xd4 - Fb6 constituant la "Position Normale" du
Gambit Evans.
8.Db3 Df6 9.é5 Dg6
Réduite à la défense du - Pf7 la Dame ne peut évidemment pas prendre le Pé5.
10.Té1 Cg8é7 11.Fa3
Tous les coups blancs sont devenus usuels dans le Gambit Evans.
-b5 Rendant un pion pour activer le développement.
12.Dxb5 Tb8 13.Da4 Fb6 14.Cb1d2 Fb7 15.Cé4 Df5 16.Fxd3 Dh5
17.Cxf6 g7xf6 18.é5xf6 Tg8
Les Noirs préparent une contre-offensive d'apparence redoutable. Voir le diagramme.
19.Ta1d1 !! Comme dans l' "Immortelle", les Blancs mettent au point leur réseau
de mat par des coups d'apparence peu agressive qui, par la suite, font la preuve
de leur puissance de calcul.
- DxCf3 Et maintenant, c'est sous la menace de subir le mat en un coup que les
Blancs doivent faire aboutir leur combinaison !
20.TxCé7+ !! CxTé7
Si 20 - Rd8; 21.Txd7+ - Rc8; 22.Td8+ suivi d'un mat rapide.
21.Dxd7+ !! Rxd7 22.Ff5+d et mat en 2 coups.
C'est cet échec double, par action de batterie, qui amène au mat.